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u Maroc, les politiques du gouvernement en matière d’investissement (les accords de libre échange, le démantèlement douanier, les politiques sectorielles, etc.) qui consistent à drainer les investissements étrangers pour la création de la croissance économique et de l’emploi, représentent en même temps une menace et une opportunité pour les entreprises marocaines, surtout les PME-PMI qui couvrent la quasi-totalité du tissu économique et occupent la moitié des salariés du secteur privé.
En effet, Soit que celles-ci réussiront à se tailler une place dans le champ de bataille et faire en sorte de s’y agripper, soit qu’elles sont condamnées à disparaitre.
Pour faire face à cette concurrence acharnée des sociétés géantes, les entreprises marocaines doivent impérativement revoir leurs cartes par une refonte de leur mode de réflexion managériale et se doter d’une vision stratégique
Pour faire face à cette concurrence acharnée des sociétés géantes, les entreprises marocaines doivent impérativement revoir leurs cartes par une refonte de leur mode de réflexion managériale et se doter d’une vision stratégique
Force est d’admettre tout d’abord que le succès industriel des pays développés est dû, en grande partie, au politique de rapprochement entre la recherche universitaire et l’industrie. Par sa mission, l’université est le générateur principal de nouvelles connaissances qui permet d’améliorer la compétitivité de l’entreprise. Les auteurs de renommé mondiaux ont consacré toute leur vie au service de l’entreprise et leur ont été d’un apport considérable en matière de management des entreprises. Les entreprises vulnérables sont celles qui ne prennent pas la peine de considérer les nouveaux concepts, modèles et approches méthodologiques propres à la stratégie d’entreprise. C’est bien Montesquieu qui a dit : « Si une organisation est durement déstabilisée par un événement, c’est que les conditions générales existaient pour donner à cet événement son haut pouvoir déstabilisant. »
Les managers qui qualifient la stratégie de notion « trop académique » éloignée de la réalité de l’entreprise seront soumis aux aléas de leurs environnements. En fait, ces mêmes responsables ne réalisent pas qu’ils exercent implicitement le principe de la stratégie, mais sans qu’elle réponde aux normes fondamentales ou à une approche méthodologique.
Les stratégies fonctionnelles relatives à chaque entité organisationnelle, y compris celle des ressources humaines, doivent servir et nourrir la stratégie globale de l’entreprise. Certes, on sait que la plupart des décisions qui affectent le fonctionnement quotidien de l’organisation ont une composante humaine. Cependant, l’entreprise dans son ensemble baigne dans un environnement de plus en plus turbulent et en perpétuel changement, et par conséquent, définir une stratégie fonctionnelle passe nécessairement par la connaissance des enjeux stratégiques de la société.
Pour commencer, voici quelques définitions simples de la stratégie :
« La stratégie consiste à déterminer les objectifs et les buts fondamentaux à long terme d’une organisation puis à choisir les modes d’action et d’allocation des ressources qui permettront d’atteindre ces buts et objectifs ». (A.D.Chandler)
" Élaborer la stratégie de l'entreprise, c'est choisir les domaines d'activité dans lesquels l'entreprise entend être préservée et allouer des ressources de façon à ce qu'elle s'y maintienne et s'y développe. " Strategor.
La stratégie consiste donc à définir les objectifs et les moyens de les atteindre. Elle pousse les dirigeants à se poser des questions fondamentales sur leurs activités, leurs métiers, leurs cibles, leurs ressources, la concurrence, etc. La stratégie est l’apanage des rêveurs ambitieux qui ont une vision de leur entreprise projetée dans l’avenir. Il est préférable que toutes les fonctions de l’entreprise y contribuent à sa formulation afin de faciliter son déploiement.
1- L’ANALYSE DE L’ENVIRONNEMENT ET LE DIAGNOSTIC EXTERNE
Les décideurs doivent griller leurs neurones pour analyser constamment les données de l’environnement, et ce pour chaque activité de l’entreprise. L'environnement de l'entreprise est multiforme (démographique, social, économique, technologique, culturel, politique, juridique, international...). Plusieurs modèles de diagnostic existent pour permettre à l'entreprise de mieux détecter les menaces et les opportunités stratégiques.
1-1- LE MODELE PESTEL
Le modèle PESTEL est un outil d’analyse stratégique ayant pour but d’analyser l’environnement externe et définir le contexte général dans lequel l’entreprise évolue. PESTEL est l’acronyme de Politiques – Economiques – Sociales – Technologiques – Ecologiques - Légales. Le schéma suivant met en évidence les caractéristiques de chacune des dimensions précitées.
1-2- LE MODELE DE PORTER
Porter (1982) propose un modèle d’analyse industrielle centré sur la structure concurrentielle d’une industrie au moyen d’analyse de 5 forces concurrentielles :
Degré de rivalité des Concurrents - Entrants potentiels (Ex. : barrières à l’entrée)- Produits de substitution – le Pouvoir des Clients – les pouvoir des Fournisseurs (Ex. : menace d’intégration verticale en aval).
1-3- L’ANALYSE ET LE DIAGNOSTIC DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE
L’analyse sectorielle doit être réalisée par des études de marché en prenant en considération l’état actuel et les tendances évolutives. La demande peut changer à la suite de création d’un nouveau marché, de l’évolution de la demande, d’un changement législatif ou de la technologie, etc. L’offre peut changer à cause d’une forte concurrence si les barrières à l’entrée sont faibles ou à cause de la baisse de la structure des coûts à la suite d’une fusion.
1-4- L’ANALYSE SWOT :
Le modèle SWOT comprend l’analyse des opportunités et des menaces de l’environnement. SWOT (ou MOFF en français) est l’acronyme de Strengths (Forces), Weaknesses (Faiblesses), Opportunities (Opportunités) et Threats (Menaces). L’entreprise peut jouir d’un avantage concurrentiel lorsqu’elle exploite une opportunité qui lui est présentée. Elle se doit également de surveiller les menaces qui sont susceptibles de compromettre son développement.
2- L’ANALYSE DE L’ENTREPRISE ET LE DIAGNOSTIC INTERNE
Il s’agit de préciser les principales forces et faiblesses de l’entreprise au niveau fonctionnel (Marketing - Production - Finances - GRH – Organisation, etc.)
2-1- ANALYSE DE LA POSITION CONCURRENTIELLE
L’analyse de la position concurrentielle consiste à étudier le niveau de part de marché de la société par rapport à la concurrence. Afin de damer le pion à ses adversaires, l’entreprise doit prendre en compte l'effet d'expérience, le cycle de vie du produit et le portefeuille d'activités.
On parle de position dominante quand la société possède la plus grande part de marché, contrairement à la position marginale qui est caractérisée par une faible part de marché. Dans ce cas, elle peut grignoter les parts de marché en éliminant les concurrents de petite taille.
La position critique est celle où l’entreprise détient une part de marché décroissante. Elle peut adopter une politique d’écrémage en haussant le prix des produits ou se désinvestir en partie ou en totalité.
2-2- L’ENTREPRISE : SES RESSOURCES ET SES COMPETENCES
Il s’agit d’une nouvelle approche stratégique qui considère les ressources et les compétences comme la source principale de l’avantage concurrentielle. Les entreprises qui réussissent sont celles qui savent se concentrer sur leurs ressources.
Les fondateurs de cette approche insistent sur l’importance du savoir-faire de l’entreprise et sa capacité d’innovation. Les auteurs comme Hamel et Prahalad (1994) définissent le cœur de compétence de l’entreprise comme étant le domaine d’expertise qui résulte de l’harmonisation des technologies et d’activités professionnelles complexes.
Comme le souligne Tarondeau (1998, p. 17) « depuis quelques années, la conception dominante de la stratégie concerne l’acquisition et la maîtrise des ressources et compétences permettant à la firme de se différencier de ses concurrents, de déployer ses activités, d’innover ou de disposer d’une flexibilité suffisante pour s’adapter aux évolutions de l’environnement ou aux stratégies des concurrents ».
2-3- MATRICE D’ANALYSE DU PORTEFEUILLE D’ACTIVITES
Conçue par le consultant McKinsey, la matrice est destinée à répondre aux besoins d’une grande entreprise diversifiée. Cette approche a été remodelée par le Boston Consulting Group (BCG).
3- MISSION ET OBJECTIFS :
Après l’analyse stratégique de l’environnement interne et externe, l’entreprise doit définir sa mission globale qui découle de sa raison d’être et qui reflète sa vision projetée dans l’avenir. Elle doit y préciser son métier, les besoins à satisfaire et ses rapports avec ses actionnaires, sa cible et ses employés. Ensuite, la société devra identifier ses objectifs en termes de part de marché, de rentabilité, de chiffre d’affaire, de taux de croissance, de la qualité des produits, du niveau de compétence du capital humain, etc.
4- LA STRATEGIE GLOBALE :
Ces objectifs détermineront le choix à porter sur les trois orientations stratégiques suivantes :
- La stratégie de croissance
- La stratégie de maintien
- La stratégie de retrait
Ces orientations se déploient en général en manipulant les produits et les marchés de l’entreprise.
Objet de l’intervention | Croissance | Maintien | Retrait |
Produits | Ajouter de nouveaux produits, utiliser les produits actuels différemment | Améliorer la qualité, changer l’emballage des produits actuels | Diminuer ou arrêter le développement des produits actuels |
Marchés | Ouvrir de nouveaux territoires, pénétrer le marché actuel | Protéger la part de marché et se concentrer | Abandonner la distribution et réduire la part de marché |
Source : Hafsi et Toulouse (1997, P. 177), d’après Jauch et Glueck (1998)
5- LES STRATEGIES FONCTIONNELLES
Afin de déterminer les stratégies fonctionnelles, l’organisation doit se poser les questions suivantes : Avec quelles forces peut-on concurrencer ? Quelles sont les ressources et les compétences à exploiter ? Comment les acquérir et les développer ?
Stratégie | Marketing | Production | RH | Finances | Timing |
RETRAIT | Détermination des gammes de produits à abandonner | Détermination des usines à fermer sur la base de l’utilisation de la capacité | Réduction du personnel sur la base des compétences requises ultérieurement et de l’ancienneté | Elimination ou réduction des dividendes et gestion des liquidités | Vente des usines et réduction du personnel dés que possible ; élimination des dividendes |
STABILITE | Fabrication des produits à marge élevée | Report des investissements importants en immobilisations et en équipements | Investissement dans la formation pour améliorer les aptitudes administratives | Etablissement de bonnes relations avec la banque ; maintien des dividendes réguliers et consolidation du bilan | Maintien de cette allure à moins que des tendances ne manifestent une possibilité majeure de croissance |
EXPANSION | Elargissement et amélioration des gammes de produits ; volume plus important que les marges | Augmentation de la capacité des usines | Recrutement de personnel supplémentaire des ventes, de recherche et de développement, de production et de direction | Augmentation du ratio d’endettement, évaluation de l’effet de la politique de dividendes sur les besoins de liquidités | Evaluation de la part de marché relative et des conditions financières à moyen terme. |
Source : Hafsi, Séguin et Toulouse (2000, P.359), d’après Côté (1995)
6- LES OPTIONS STRATEGIQUES
6-1 LA STRATEGIE DE MAINTIEN
Les sociétés qui décident d’adopter le statu quo évoluent généralement dans un environnement stable où elles ont peut-être le monopole. Elles font en sorte de stabiliser leur croissance et leur offre pour se concentrer sur d’autres aspects, comme l’optimisation de leurs processus métier par exemple.
6-2 LES STRATEGIES DE CROISSANCE :
La croissance peut se faire en interne ou en externe. Le choix de la croissance interne vise le développement de l’entreprise par ses propres moyens. Il peut s’agir de création de nouveaux sites de production, d’élargissement de la gamme de produits, de la pénétration ou l’extension du marché.
La croissance interne est un processus très lent qui nécessite beaucoup d’investissement. Néanmoins, elle procure à l’entreprise des économies d'échelle et accroît son pouvoir vis-à-vis de ses fournisseurs et de ses clients (effets de domination).
La croissance externe se réalise par des transferts d'actifs existants d'une entreprise vers une autre.
6-3 LA STRATEGIE DE FILIERE OU D’INTEGRATION VERTICALE
La stratégie de filière consiste pour une entreprise à en acquérir d'autres qui appartiennent à une même filière. Elle peut décider de monter la filière pour avoir la main mise sur l’approvisionnement et réaliser des économies liées à l'achat de produits intermédiaires, comme elle peut descendre la filière et se positionner en aval en tant qu’intermédiaire afin de renforcer la distribution sur le marché.
6-4 LES STRATEGIES DE DIVERSIFICATION
La diversification repose sur l'acquisition et l'utilisation de nouveaux savoir-faire dans d'autres domaines d'activités pour saisir de nouvelles opportunités. Cette stratégie donne naissance à un portefeuille d’activités permettant à l’entreprise de gagner en synergie et de répartir le risque.
Les stratégies de diversification peuvent se présenter sous les trois formes suivantes :
- La diversification horizontale concerne l’introduction de nouveaux produits dans les domaines d’activité existantes et ayant pour cible la même clientèle ;
- La diversification concentrique vise à offrir de nouveaux produits à une nouvelle clientèle en exploitant une technologie ou un circuit de distribution semblables à ceux de l’entreprise ;
- La diversification par conglomérat se rapporte à la création de nouveaux produits destinés à de nouveaux clients n’ayant aucun rapport avec les technologies et l’infrastructure de distribution existantes.
6-5 LES STRATEGIES D’ACQUISITION ET DE FUSION
Elles font partie des stratégies de croissance externe. Le Strategor (1997) distingue 4 catégories d’acquisition suivantes :
- L’acquisition horizontale qui correspond à une fusion d’entreprises concurrentielles pour réaliser des économies d’échelle ou pour accroitre le pouvoir de marché ;
- L’acquisition verticale qui consiste à acheter une entreprise (fournisseur ou client) faisant partie de la filière ;
- L’acquisition de la diversification liée qui correspond à un regroupement d’entreprises n’appartenant pas au même secteur, mais qui exercent des activités ayant entre elles des rapports de nature technique ou commerciale, ce qui leur permet de partager certains coûts ou des savoir-faire ;
- L’acquisition conglomérale qui consiste à rapprocher des entreprises présentes dans des secteurs n’ayant aucun lien entre eux.
6-6 LES STRATEGIES D’ALLIANCES INTERENTREPRISES
Une l’alliance stratégique se réalise entre deux ou plusieurs firmes en mettant en commun des ressources spécifiques afin d’en tirer un avantage concurrentiel. Ces formes de coopération met surtout en évidence l’effet de synergie et d’apprentissage dont peuvent bénéficier les alliés.
Ces alliances peuvent se concrétiser soit par la création de filiales communes (joint ventures), soit par des prises de participation, soit par la sous-traitance de certains travaux, etc.
6-7 LES STRATEGIES D’IMPARTITION
L’impartition consiste à se procurer à l’extérieur des services ou des biens dans le but de se recentrer sur son métier de base. Contrairement à l’intégration verticale, l’entreprise évite de faire tout par elle-même et fait appel à d’autres structures disposant de potentiels complémentaires. Il peut s’agir de la sous-traitance, de la cotraitance, d’une concession, d’une franchise, etc.
La stratégie d'internationalisation est une forme d'extension d'une entreprise au-delà de son marché national pour des raisons de rentabilité. L’intérêt d’une internationalisation est de diminuer ses coûts, notamment ceux qui sont liés à la main d'œuvre. L’entreprise peut décider de s’installer dans un pays où la pression fiscale est moins pesante.
6-9 LES STRATEGIES DE RETRAIT OU DE DESENGAGEMENT
Les stratégies de retrait ont pour objet de se retirer graduellement d’un secteur d’activité en abandonnant des clients ou des produits, ou les deux. Les raisons qui poussent l’entreprise à se désengager peuvent être diverses. Il peut s’agir d’un marché très concurrentiel, ou un produit en phase de déclin. L’entreprise peut décider de se concentrer sur un segment de marché.
6-10 LES STRATEGIES GENERIQUES :
Les stratégies génériques sont des manouvres stratégiques de positionnement face à la concurrence (Porter, 1980).
6-10-1 La stratégie par domination des coûts :
Elles visent, comme son nom l’indique, à réduire les coûts au minimum par le contrôle rigoureux des frais variables et par la diminution des frais fixes. Dans ces cas, l’entreprise joue sur le volume en adoptant une politique de prix adaptée. Ce qui lui procure des gains en économies d’échelle.
6-10-2 La stratégie de différentiation
L’entreprise peut décider de se démarquer par les composants de son produit ou par les services offerts à sa clientèle. Les firmes qui adoptent cette stratégie doivent entretenir la culture d’innovation et de la qualité. Elles doivent compter sur l’avancée technologique et surtout les compétences de son capital humain.
6-10-3 La stratégie de focalisation :
Elle consiste à se concentrer sur un segment de marché où l’entreprise compte tirer un maximum de rentabilité. La stratégie de concentration (ou de niche) peut être accompagnée par les deux premières stratégies génériques afin de maximiser le rapport qualité-prix des clients. Elle est souvent adoptée par les PME.
CONCLUSION
Face aux divers changements que connait l’environnement, l’entreprise se doit d’engager un diagnostic interne et externe à la recherche d’un avantage concurrentiel dans le but de saisir les opportunités et de contourner les menaces. Pour cela, les dirigeants doivent appréhender les outils classiques et les nouvelles approches en matière d’analyse de l’environnement. Le but étant d’avoir une certaine visibilité à long terme, se fixer des objectifs et faire le choix sur une option stratégique qui permettra à l’entreprise de se développer.